Jean-Paul II nous parle de Marie
Audience générale du 12 juin 1996La définition dogmatique du privilège de l'Immaculée Conception
Lecture : Lc 1, 46-49
Cher(e) ami(e)s ,
1. La conviction que Marie fut préservée de toute tache du péché dès sa conception, au point de pouvoir être appelée la Toute-Sainte, s'est imposée progressivement au cours des siècles dans la liturgie et la théologie. Ce développement a suscité, au début du XIXe siècle, un mouvement de pétitions en faveur d'une définition dogmatique du privilège de l'Immaculée Conception.
Désireux de répondre favorablement à cette demande, vers le milieu de ce siècle, le Pape Pie IX, après avoir consulté les théologiens, interrogea tous les évêques sur l'opportunité et la possibilité d'une telle définition, convoquant une sorte de "Concile par écrit ". Le résultat fut significatif : l'immense majorité des 604 évêques répondit positivement à la question.
Après une aussi large consultation, qui mit en relief la préoccupation de mon vénéré prédécesseur d'exprimer, dans la définition du dogme, la foi de l'Église, on entreprit avec un très grand soin la rédaction du document.
La Commission spéciale de théologiens, instituée par Pie IX dans le but de vérifier que cette doctrine était bien révélée, reconnut un rôle essentiel à la pratique ecclésiale. Ce critère exerça une influence sur la formulation du dogme, qui privilégia les expressions du vécu ecclésial, de la foi et du culte du peuple chrétien par rapport aux déterminations scolastiques.
Finalement, en 1854, Pie IX, par la Bulle Ineffabilis, proclama solennellement le dogme de l'Immaculée Conception : "Nous déclarons, proclamons et définissons que la doctrine qui tient que la Bienheureuse Vierge Marie, dès le premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulières de Dieu tout-puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, a été préservée intacte de toute souillure due au péché originel, est une doctrine révélée par Dieu et qu'ainsi elle doit être crue fermement et constamment par tous les fidèles" (DS, 2803).
2. La proclamation du dogme de l'Immaculée Conception exprime l'essentiel de ce que nous dit la foi. Dans sa Bulle Sollicitudo, de 1661, le Pape Alexandre VII parlait de préservation de l'âme de Marie " au moment de sa création et de son infusion dans le corps" (DS, 2017). Au contraire, la définition de Pie IX fait abstraction de toute explication quant au mode d'infusion de l'âme dans le corps et attribue à la personne de Marie, dès le premier instant de sa conception, la préservation de toute souillure due au péché originel.
L'exemption "de toute souillure due au péché originel" a pour conséquence positive l'exemption de tout péché, ainsi que la proclamation de la parfaite sainteté de Marie, doctrine à laquelle la définition dogmatique apporte une contribution fondamentale. En effet, la formulation négative du privilège marial, conditionnée par les controverses antérieures en Occident sur le péché originel, doit toujours être complétée par l'affirmation positive de la sainteté de Marie, plus explicitement soulignée par la tradition orientale.
La définition de Pie IX ne se rapporte qu'à l'exemption du péché originel et ne traite pas explicitement de l'exemption de la concupiscence. Cependant, le fait que Marie ait été préservée de toute souillure due au péché a pour conséquence qu'elle fut aussi exempte de toute concupiscence, tendance désordonnée qui, selon le Concile de Trente, vient du péché et porte au péché (DS, 1515).
3. Accordée "par une grâce et une faveur singulières de Dieu tout-puissant ", cette préservation du péché originel est une faveur divine absolument gratuite, que Marie a obtenue dès le premier moment de son existence.
La définition dogmatique ne dit pas que ce privilège singulier est unique, mais elle le laisse entendre. L'affirmation de ce caractère unique se trouve au contraire énoncée explicitement dans l'Encyclique Fulgens corona de 1953: le Pape Pie XII parle de "privilège tout à fait singulier qui n'a jamais été accordé à une autre personne" (AAS 45 [1953], 580), excluant ainsi la possibilité, soutenue par certains, mais avec bien peu de fondement, de l'attribuer aussi à saint Joseph.
La Vierge Mère a reçu la grâce singulière d'être conçue sans péché "en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain", c'est-à-dire de son action rédemptrice universelle.
Dans le texte de la définition dogmatique, il n'est pas déclaré expressément que Marie ait été rachetée, mais la même Bulle Ineffabilis affirme ailleurs qu' "elle a été rachetée de la manière la plus sublime ". C'est là la vérité la plus extraordinaire : le Christ a été le Rédempteur de sa Mère et il a exercé en elle son action rédemptrice "de la manière la plus parfaite" (Fulgens corona, AAS 45 (1953), 581), dès le premier moment de son existence. Le Concile Vatican II a proclamé que l'Église " admire et exalte en Marie le fruit le plus excellent de la Rédemption" (Sacrosanctum Concilium, 103).
4. Cette doctrine proclamée solennellement est qualifiée expressément de " doctrine révélée par Dieu". Le Pape Pie IX ajoute qu'elle doit être "crue fermement et constamment par tous les fidèles ". Par conséquent, celui qui ne la fait pas sienne ou qui conserve une opinion qui lui est contraire, "fait naufrage dans la foi" et "se détache de l'unité catholique ".
En proclamant la vérité de ce dogme de l'Immaculée Conception, mon vénéré Prédécesseur était conscient d'exercer son pouvoir d'enseignement infaillible comme Pasteur de l'Église, qui devait être défini solennellement quelques années plus tard au cours du Concile Vatican I. Il mettait ainsi en acte son magistère infaillible comme un service rendu à la foi du Peuple de Dieu. Et il est significatif que cela ait eu lieu pour définir le privilège de Marie.
Une production de L'Osservatore Romano
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le 11 août 1999