La Nativité de Marie
8 Septembre

(Icône de la Nativité de Marie à la Basilique Sainte Anne de Jérusalem)

Cher(e)s ami(e)s ,

Elle naît à petit bruit, sans que le monde en parle et sans qu'Israël même y pense, bien quelle soit la fleur d'Israël et la plus éminente de la terre ; mais, si la terre ny pense pas, le ciel la regarde et la vénère comme celle que Dieu a fait naître pour un si grand sujet et pour rendre un si grand service à sa propre personne, c'est-à-dire pour le revêtir un jour d'une nouvelle nature.

Le cardinal Pierre de Bérulle " La Vie de Jésus " (chapitre V).


Comme les Saintes Ecritures ne parlent pas de la naissance de la Sainte Vierge, il faut se référer ici aux traditions, singulièrement aux textes apocryphes qui évoquent l'événement en termes merveilleux. Le plus connu de ces apocryphes est celui que l'on a intitulé le " Protévangile de Jacques ".


Protévangile de Jacques

Naissance de Marie, la sainte qui engendra Dieu, très glorieuse mère de Jésus-Christ.

Chapitre premier.

Dans les histoires des douze tribus d'Israël, on dit que Joachim était un homme comblé de richesses, mais qu'il apportait des offrandes doubles, en disant : " Ce que je donne en excédent sera pour tous ; je l'offre en expiation de mes péchés, pour que le Seigneur me soit propice. "
Etant arrivé le jour solennel du Seigneur où les fils d'Israël apportaient leurs offrandes, Ruben se dressa devant Joachim et lui dit : " Il ne t'est pas permis d'être le premier à déposer tes offrandes, car tu n'as pas engendré en Israël. "
Et Joachim fut comblé de tristesse, et il alla consulter les documents des douze tribus du peuple, disant : " Je verrai dans les documents des douze tribus d'Israël si j'ai été seul à n'avoir pas engendré en Israël. " Il chercha et trouva que tous les justes avaient engendré de la postérité en Israël. Mais il se souvint aussi du patriarche Abraham, et qu'en ses derniers jours Dieu lui avait donné un fils, Isaac.
Alors, comblé de tristesse, Joachim ne se présenta point devant sa femme, mais il se rendit au désert ; il y planta sa tente et jeûna quarante jours et quarante nuits, se disant à lui-même : " Je ne descendrai ni manger ni boire avant que le Seigneur mon Dieu m'ait visité, et la prière sera ma nourriture et ma boisson. "

Chapitre deuxième.

Cependant sa femme Anne pleurait, ayant deux raisons de gémir. " Je me désolerai sur mon veuvage, disait-elle ; je me désolerai sur ma stérilité. " Etant arrivé le jour solennel du Seigneur, Judith, sa servante, lui dit : " Jusques à quand auras-tu l'âme abattue ? Voici le jour solennel du Seigneur ; tu n'as pas le droit de pleurer. Mais prends ce serre-tête que m'a donné mon ancienne maîtresse ; je ne puis m'en orner je ne suis qu'une servante et il porte le signe de la race royale. "
Anne répondit : " Eloigne-toi ; je ne ferai rien de tel, car le Seigneur m'a comblée d'humiliations. Sans doute est-ce un méchant qui t'a donné ce bandeau et tu essaies de me faire complice de ta faute. " Mais Judith répartit : " Quel mal pourrais-je te vouloir pire que celui que tu as, puisque le Seigneur a clos ton sein, afin qu'il n'engendre pas de postérité en Israël ! "
Alors, au comble de l'affliction, Anne ôta ses habits de deuil, elle se lava la tête, revêtit ses habits de noce, et, vers la neuvième heure, descendit se promener au jardin. Elle vit un laurier, s'assit sous ses branches et se mit à invoquer le Tout-Puissant : " Dieu de mes pères, bénis-moi, exauce ma supplication, comme tu as béni Sarah dans ses entrailles et lui as donné son fils Isaac. "

Chapitre troisième.

Et levant les yeux vers le ciel, elle vit dans le laurier un nid de passereaux, et elle se reprit à gémir, se disant pour elle-même : " Pitié de moi ! qui donc m'a engendrée, quelles entrailles m'ont enfantée, pour que je sois devenue maudite parmi les fils d'Israël, que je doive être chassée avec outrage du Temple du Seigneur ?
Pitié de moi ! à quoi donc ressemblè-je ? Pas même aux petits oiseaux du ciel , car les oiseaux du ciel sont féconds devant vous, Seigneur.
Pitié de moi ! à quoi donc ressemblè-je ? Pas même aux bêtes sauvages de la terre, car les bêtes sauvages de la terre sont fécondes devant vous, Seigneur.
Pitié de moi ! à quoi donc ressemblè-je ? Pas même à ces eaux que voilà, car ces eaux sont fécondes devant vous, Seigneur.
Pitié de moi ! à quoi donc ressemblè-je ? Pas même à cette terre que voilà, car cette terre porte des fruits en leur temps, et elle vous bénit, Seigneur ! "

Chapitre quatrième.

Or voici qu'un ange du Seigneur apparut et lui dit : " Anne, Anne, le Seigneur a entendu ta plainte. Tu concevras, tu engendreras, et l'on parlera de ta progéniture par toute la terre. " Anne répondit : " Aussi vrai que vit le Seigneur mon Dieu, si j'enfante soit un fils, soit une fille, je le consacrerai au Seigneur mon Dieu pour qu'il le serve tous les jours de sa vie ! "
Alors deux anges arrivèrent auprès d'elle, lui disant : " Voici que Joachim, ton homme, s'en vient vers toi avec ses troupeaux, car un ange du Seigneur est descendu à lui et lui a dit : Joachim, Joachim, le Seigneur a entendu ta plainte. Descends d'ici, car voici que ta femme Anne va concevoir dans ses entrailles. "
Et Joachim descendit. Il appela ses bergers et leur dit : " Apportez-moi dix agneaux sans tache et parfaits ; ils seront pour le Seigneur mon Dieu. Apportez-moi aussi douze des veaux les plus tendres ; ils seront pour les prêtres et le Conseil des Anciens. Et cent chevreaux seront pour tout le peuple. "
Et voici que Joachim arriva avec ses troupeaux. Anne, qui se trouvait debout sur le seuil, le vit venir, courut à lui et s'accrochant à son cou, lui dit : " Maintenant, je sais que le Seigneur Dieu m'a comblée de bénédictions, car j'étais comme veuve et je ne le suis plus; j'étais stérile et mes entrailles vont concevoir. " Et ce fut le premier soir que Joachim reposa dans sa maison.

Chapitre cinquième.

Le lendemain, il vint présenter ses offrandes, se disant en lui-même : " Si le Seigneur Dieu m'est propice, il m'accordera de voir le disque d'or du prêtre ! " Il présenta donc ses offrandes, et fixa ses regards sur le disque du prêtre, lorsque celui-ci monta à l'autel, et il sut ainsi qu'il n'y avait aucune faute en lui. Et Joachim dit alors : " Maintenant, je sais que le Seigneur m'est propice et que mes péchés sont effacés ! " Il descendit donc du temple du Seigneur, justifié, et il retourna dans sa maison.
Or les mois d'Anne s'accomplissaient, et, au neuvième, elle enfanta. Et elle demanda à la sage-femme : " Qu'ai-je mis au monde ? " Celle-ci répondit : " Une fille. " Et Anne reprit : " Elle a été glorifiée en ce jour, mon âme ! " et elle coucha l'enfant. Puis les jours d'usage étant accomplis, elle se releva, se lava, donna le sein à son enfant et l'appela Marie.


NOTES

1. Ce " test " que Joachim se propose à lui-même peut se comprendre ainsi : le Grand Prêtre, en tenue de cérémonie, portait un disque d'or dont il est question dans la Bible (Exode, XXVIII 36-37 ; Lévitique, VIII 9). Au moment où le Grand Prêtre traversait le sacré parvis pour se rendre à l'autel ou au Saint des Saints, il passait assez loin des simples fidèles, massés dans le parvis des Israélites. Pour discerner le disque d'or sans doute fallait-il qu'un éclat de lumière le fît briller. C'est cet éclat que Joachim demande comme un signe.
On ne saurait tenir pour certains les renseignements que nous donnent l'apocryphe intitulé le Protévangile de Jacques, mais il faut sans doute attacher quelque importance à saint Grégoire de Nysse (mort en 394) qui donne Anne et Joachim comme les parents de la sainte Vierge, à saint Sophrone (1) qui montre, à Jérusalem, la maison, " la sainte Probatique où l'illustre Anne enfanta Marie ", ou à saint Jean Damascène (mort en 749) qui ajoute que de ferventes prières leur obtinrent dans un âge avancé la naissance d'une fille .
Sans doute faut-il chercher l'origine de la fête de la Nativité de la sainte Vierge en Orient où le synaxaire de Constantinople (2), rédigé selon un décret de l'empereur Maurice, la marque déjà au 8 septembre, tandis qu'elle est mentionnée dans les homélies d'André de Crète (mort 740) (3).
On célébrait alors, à Rome, la dédicace de la basilique de saint Hadrien, martyr (4), et l'on ne trouve aucune trace incontestable de la Nativité de la sainte Vierge avant le pontificat de Serge I (5) ; le Pape, en sandales, faisait procession de la basilique Saint-Hadrien à celle de Sainte-Marie Majeure.
Dans l'" Histoire des Mystères et des fêtes ", Benoît XIV (1740-1758) raconte que, chaque année, au 8 septembre, un solitaire entendait des chants célestes ; quand il en demanda à Dieu la cause, il lui fut répondu que c'était en l'honneur de la naissance de la Vierge qui se célébrait au ciel, qu'il devait en avertir les hommes, pour qui elle était née, et obtenir la célébration sur terre de cet anniversaire ; c'est ainsi que le solitaire aurait obtenu du Pape la fête de la Nativité de la sainte Vierge.
Saint Boniface (mort en 755) introduisit la fête de la Nativité de la Vierge en Allemagne où la prescrivit le concile de Salzbourg (799).
Si saint Bède le Vénérable (mort en 735) la connaissait en Angleterre, elle était absente de la liturgie Mozarabe de Tolède jusqu'au le X siècle.
On ne la vit guère en France avant l'époque capétienne et sans doute la doit-on à saint Fulbert de Chartres (mort 1028) (6) et au roi Robert II le Pieux (mort en 1031). Et saint Bernard d'écrire aux chanoines de Lyon : " La sainte Eglise ne se trompe pas quand elle considère ce jour comme saint et le célèbre chaque année à la joie de toute la terre. " En bien des pays de France, la fête la Nativité de sa sainte Vierge porta longtemps le titre de Notre-Dame Angevine, rappelant que la Vierge Marie, apparut, en 430, près de Saint-Florent, au saint évêque Maurille d'Angers pour lui demander l'institution de la fête de sa Nativité .
Lorsque mourut le pape Célestin IV (1243), l'empereur Frédéric II retint les cardinaux prisonniers afin d'empêcher la réunion du conclave ; les cardinaux firent le voeu solennel de donner un octave à cette fête qui existait déjà depuis saint Anselme dans l'Eglise d'Angleterre, s'ils recouvraient leur liberté, ce que fit leur élu, Innocent IV, au premier concile de Lyon (1245). Grégoire XI fit une vigile qui fut célébrée à Anagni (1377).


NOTES

1. Originaire de Damas, saint Sophrone fut d'abord professeur de littérature puis moine au couvent de Saint-Théodose de Jérusalem ; évêque de Jérusalem (634), il mourut en 638, un an après la prise de la ville par le calife Omar.
2. Un synaxaire est un livre liturgique qui rassemble pour chaque jour les lectures et les vies des saints que l'on célèbre.
3. " Aujourd'hui comme pour des noces, l'Eglise se pare de la perle inviolée, de la vraie pureté. Aujourd'hui, dans tout l'éclat de sa noblesse immaculée, l'humanité retrouve, grâce aux mains divines, son premier état et son ancienne beauté. Les hontes du péché avaient obscurci la splendeur et les charmes de la nature humaine ; mais, lorsque naît la Mère de celui qui est la Beauté par excellence, cette nature recouvre en elle ses anciens privilèges, elle est façonnée suivant un modèle parfait et entièrement digne de Dieu. Et cette formation est une parfaite restauration et cette restauration est une divinisation et cette divinisation, une assimilation à l'état primitif. Aujourd'hui, contre toute espérance, la femme stérile devient mère et cette mère, donnant naissance à une descendance qui n'a pas de mère, née elle-même de l'infécondité, a consacré tous les enfantements de la nature. Aujourd'hui est apparu l'éclat de la pourpre divine, aujourd'hui la misérable nature humaine a revêtu la dignité royale. Aujourd'hui, selon la prophétie, le sceptre de David a fleuri en même temps que le rameau toujours vert d'Aaron, qui, pour nous, a produit le Christ rameau de la force. Aujourd'hui, une jeune vierge est sortie de Juda et de David, portant la marque du règne et du sacerdoce de celui qui a reçu, suivant l'ordre de Melchisédech, le sacerdoce d'Aaron. Pour tout dire en un mot, aujourd'hui commence la régénération de notre nature, et le monde vieilli, soumis à une transformation divine, reçoit les prémices de la seconde création. "
4. Saint Hadrien, martyr de Nicomédie sous Maximien, qui mourut un 4 mars et dont les reliques auraient été transférées à Rome un 8 septembre, vers 303 ou 312.
5. Saint Serge I, dont on célèbre d'ailleurs aussi la fête au 8 septembre, naquit au sein d'une famille syrienne établie à Palerme (Sicile) ; il vint à Rome sous le pontificat d'Adéodat II (672 + 676) qui l'admit parmi ses clercs comme membre de la Schola Cantorum ; acolyte vers 680, puis prêtre, saint Léon II lui confia le titre de Sainte-Suzanne où il fut un si remarquable pasteur que le clergé et le peuple de Rome l'élit pape (décembre 687). L'archidiacre Pascal, patronné par l'exarque byzantin de Ravenne, s'était installé à l'extérieur du Latran et l'archiprêtre Théodore occupait le reste du palais, tandis que les électeurs étaient réunis au Palatin près du représentant de Byzance ; comme l'archidiacre Pascal avait promis une belle récompense à l'exarque de Ravenne s'il était élu pape, il fallut que le nouveau pape, pour éviter des complications, lui versât cent livres d'or. Serge I introduit l'Agnus Dei dans la messe après la fraction du pain et régla les quatre grandes fêtes mariales (Annonciation, Dormition, Nativité, Purification). Il mourut en 701 en laissant une véritable réputation de sainteté et fut inhumé, un 8 septembre, à Saint-Pierre.
6. " Après d'autres fêtes plus anciennes de la sainte Vierge, la piété des fidèles n'a été satisfaite que quand on a jouté la fête solennelle de ce jour " (Fulbert de Chartres : sermon pour la Nativité de la Vierge). Sa cathédrale ayant été détruite par un incendie la nuit même de la fête, il jeta les fondements d'un édifice grandiose.




mise en page de Robert Guilbault


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le 8 septembre 2016