Cette personnalisation au féminin rend plus facile l'interprétation sponsale des relations d'amour entre Dieu et Israël, qualifié souvent de "fiancée" ou d'"épouse".
L'histoire du salut est l'histoire de l'amour de Dieu, mais souvent aussi de l'infidélité de l'être humain. La Parole du Seigneur réprimande souvent le "peuple époux" qui brise l'alliance nuptiale établie avec Dieu : "Mais comme une femme qui trahit son compagnon, ainsi vous m'avez trahi, maison d'Israël" (Jr 3, 20), et elle invite les fils d'Israël à accuser leur mère : "Intentez un procès à votre mère, intentez-lui un procès, car elle n'est plus ma femme et moi je ne suis plus son mari!" (Os 2,4).
En quoi consiste le péché d'infidélité dont se souille Israël, "l'épouse" de Yahvé? Il consiste principalement dans l'idolâtrie : selon le texte sacré, pour le Seigneur, le recours du peuple élu aux idoles équivaut à un adultère.
2. C'est le prophète Osée qui développe, avec des images fortes et dramatiques, le thème de l'alliance sponsale entre Dieu et son peuple, et la trahison de ce dernier. Son histoire personnelle même, en devient un symbole éloquent. Lorsque naît son fils, en effet, il reçoit l'ordre : "Appelle-le : "Non-Mon-Peuple ", car vous n'êtes pas mon peuple et je n'existe pas pour vous" (Os 1,9).
Le rappel du Seigneur et l'expérience décevante du culte rendu aux idoles feront s'assagir l'épouse infidèle qui, repentie, dira : "Je veux retourner vers mon premier mari, car j'étais plus heureuse alors que maintenant" (Os 2,9). Mais Dieu lui-même désire rétablir l'alliance et alors sa parole se fait mémoire, miséricorde et tendresse : " C'est pourquoi je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son coeur " (Os 2, 16). Le désert est en effet le lieu où Dieu, après la libération de l'esclavage, a établi l'alliance définitive avec son peuple.
Par l'intermédiaire de ces images d'amour, qui redisent le difficile rapport entre Dieu et Israël, le prophète illustre le grand drame du péché, le malheur de l'infidélité et les efforts de l'amour divin pour parler au coeur des hommes et les faire revenir à l'alliance.
3. Malgré les difficultés du présent, Dieu annonce par la bouche du prophète une alliance plus parfaire dans l'avenir : " Il adviendra en ce jour-là - oracle du Seigneur - que tu m'appelleras : "Mon mari ", et tu ne m'appelleras plus : "Mon Baal "... Je te fiancerai à moi pour toujours ; je te fiancerai dans la justice et le droit, dans la tendresse et la miséricorde ; je te fiancerai à moi dans la fidélité, et tu connaîtras le Seigneur" (Os 2, 18.21-22).
Le Seigneur ne se décourage pas devant les faiblesses humaines, mais il répond aux infidélités des hommes en proposant une union plus stable et plus intime : "Je les sèmerai à nouveau dans le pays, j'aurai pitié de "Non-Aimée ", et à " Non-Mon-Peuple " je dirai : "mon peuple", et lui me dira : "mon Dieu""(Os 2, 25). Cette perspective d'une nouvelle alliance est proposée par Jérémie au peuple en exil : "En ce temps-là - oracle du Seigneur -, je serai le Dieu de toutes les familles d'Israël, et elles seront mon peuple. Ainsi parle le Seigneur : il a trouvé grâce au désert, le peuple échappé à l'épée. Israël marche vers son repos. De loin, le Seigneur lui est apparu : d'un amour éternel je t'ai aimée, aussi t'ai-je maintenu ma faveur. De nouveau je te bâtirai et tu seras rebâtie, vierge d'Israël " (Jr 31, 1-4).
Malgré les infidélités du peuple, l'amour éternel de Dieu est toujours prêt à rétablir le pacte d'amour et à donner un salut qui dépasse toute attente.
4. Ézéchiel et Isaïe font eux aussi référence à l'image de la femme infidèle qui est pardonnée.
Par l'intermédiaire d'Ezéchiel, le Seigneur dit à l'épouse : " Moi, je me souviendrai de mon alliance avec toi au temps de ta jeunesse et j'établirai en ta faveur une alliance éternelle " (Ez 16,60).
Le Livre d'Isaïe rapporte un oracle plein de tendresse : "Ton Créateur est ton Epoux... Un court instant, je t'avais délaissée, ému d'une immense pitié je vais t'unir à moi. Débordant de fureur, un instant, je t'avais caché ma face. Dans un amour éternel, j'ai eu pitié de toi, dit le Seigneur, ton rédempteur" (Is 54,5.7-8).
Cette promesse faite à la fille de Sion est un amour nouveau et fidèle, une magnifique espérance qui dépasse l'abandon de la femme infidèle. "Dites à la fille de Sion : voici que vient ton salut, voici avec lui sa récompense et devant lui son salaire. On les appellera : "le peuple saint ", " les rachetés du Seigneur". Quant à toi, on t'appellera: "recherchée ", "ville non délaissée " (Is 62, 11-12).
Le prophète précise : " On ne te dira plus : "délaissée ", et de ta terre, on ne dira plus : "désolation". Mais on t'appellera : "Mon plaisir est en elle ", et ta terre : "épousée". Car le Seigneur trouvera en toi son plaisir, et ta terre sera épousée. Comme un jeune homme épouse une vierge, ton bâtisseur t'épousera. Et c'est la joie de l'époux au sujet de l'épouse que ton Dieu éprouvera à ton sujet" (Is 62, 4-5).
Des images et des attitudes d'amour que le Cantique des Cantiques synthétise dans l'expression : "Je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé est à moi "(Ct 6, 3). C'est en ces termes qu'est réaffirmé, de manière idéale, le rapport entre Yahvé et son peuple.
5. Quant elle écoutait la lecture des oracles prophétiques, Marie devait se référer à ces perspectives qui nourrissaient dans son coeur l'espérance messianique.
Les reproches adressés au peuple devaient susciter en elle un engagement plus ardent de fidélité à l'alliance, ouvrant son esprit à la proposition d'une communion sponsale définitive avec le Seigneur, dans la grâce et l'amour. De cette nouvelle alliance devait venir le salut du monde entier.
le 11 avril 1999