C'est ce qu'ont fait les Pères du Concile Vatican II : après avoir exposé la doctrine sur la réalité historique et salvifique du peuple de Dieu, ils ont voulu la compléter en décrivant le rôle de Marie dans l'oeuvre de salut. En effet, le chapitre VIII de la Constitution conciliaire Lumen gentium a pour objectif non seulement de souligner la valeur ecclésiologique de la doctrine mariale, mais également de mettre en lumière la contribution que la figure de la Bienheureuse Vierge apporte à la compréhension du mystère de l'Église.
Avant d'exposer l'itinéraire marial du Concile, je voudrais porter un regard contemplatif sur Marie, telle qu'elle est décrite, aux origines de l'Église, dans les Actes des Apôtres. Au début de cet écrit néotestamentaire qui présente la vie de la première communauté chrétienne, Luc, après avoir rappelé un par un les noms des Apôtres, affirme : " Tous d'un même coeur étaient assidus à la prière avec quelques femmes, dont Marie mère de Jésus, et avec ses frères " (l, 14).
Dans ce cadre, se détache la personne de Marie, la seule qui, en dehors des Apôtres, est rappelée par son nom : elle représente un visage de l'Église différent et complémentaire de celui ministériel ou hiérarchique.
En effet, la phrase de Luc relate la présence, au Cénacle, de quelques femmes, montrant ainsi l'importance de la contribution de la femme à la vie de l'Église, dès ses débuts. Cette présence est étroitement liée à la persévérance de la communauté dans la prière et à la concorde. Ces traits expriment parfaitement deux aspects fondamentaux de la contribution spécifique de la femme à la vie ecclésiale. Parce qu'ils sont davantage tournés vers l'activité extérieure, les hommes ont besoin de l'aide des femmes afin d'être ramenés aux relations personnelles et de progresser vers l'union des coeurs.
"Bénie entre toutes les femmes" (Lc 1, 42), Marie assume de façon éminente cette mission de la femme. Qui, mieux que Marie, encourage chez tous les croyants la persévérance dans la prière? Qui, mieux qu'elle, peut promouvoir la concorde et l'amour?
En reconnaissant la mission pastorale confiée par Jésus aux Onze, les femmes du Cénacle, avec Marie parmi elles, s'unissent à leur prière et témoignent en même temps de la présence dans l'Église de personnes qui, bien que n'ayant pas reçu cette mission, sont également membres à part entière de la communauté rassemblée dans la foi dans le Christ.
La présence de Marie dans la communauté, qui attend en prière l'effusion de l'Esprit (cf. Ac 1, 14), évoque la part qu'elle prit dans l'incarnation du Fils de Dieu par l'opération de l'Esprit Saint (cf. Lc 1, 35). Le rôle de la Vierge dans cette phase initiale et le rôle qu'elle joue maintenant, dans la manifestation de l'Église à la Pentecôte, sont étroitement liés.
La présence de Marie dans les premiers moments de la vie de l'Église est mise en évidence de façon particulière lorsqu'on la compare avec la participation très discrète que Marie eut précédemment, lors de la vie publique de Jésus. Lorsque le Fils débute sa mission, Marie reste à Nazareth, même si cette séparation n'exclut pas des contacts importants, comme à Cana, et surtout ne l'empêche pas de participer au sacrifice du Calvaire.
Dans la première communauté, en revanche, le rôle de Marie est particulièrement important. Après l'Ascension et dans l'attente de la Pentecôte, la Mère de Jésus assiste en personne aux tout débuts de l'oeuvre commencée par le Fils.
Les Actes des Apôtres soulignent que Marie se trouvait au Cénacle "avec les frères de Jésus" (Ac 1,14), c'est-à-dire avec les membres de sa famille, ainsi que l'a toujours interprété la tradition ecclésiale : il ne s'agit pas tant d'une réunion de famille, que du fait que, sous la direction de Marie, la famille naturelle de Jésus fait désormais partie de la famille spirituelle du Christ : " Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là m'est un frère et une soeur et une mère" (Mc 3, 34).
En relatant la même scène, Luc présente Marie de façon explicite comme "la Mère de Jésus "(Ac 1, 14), voulant ainsi presque suggérer qu'une part de la présence du Fils monté au ciel reste dans la présence de la mère. Elle rappelle aux disciples le visage de Jésus et elle est, par sa présence au milieu de la communauté, le signe de la fidélité de l'Église au Christ Seigneur.
Dans ce contexte, le titre de "Mère" annonce l'attitude de sollicitude avec laquelle la Vierge suivra la vie de l'Église. C'est à elle que Marie ouvrira son coeur pour manifester les merveilles opérées en elle par le Dieu Tout-Puissant et miséricordieux.
Depuis le début, Marie exerce son rôle de " Mère de l'Église" : son action favorise l'entente entre les Apôtres, que Luc présente comme vivant dans la "concorde" et très éloignés des disputes qui avaient parfois surgi entre eux.
Enfin, Marie exerce sa maternité à l'égard de la communauté des croyants, non seulement en priant afin d'obtenir pour l'Église les dons de l'Esprit Saint, nécessaires à sa formation et son avenir, mais également en éduquant les disciples du Seigneur à la communion constante avec Dieu.
Elle devient ainsi éducatrice du peuple chrétien à la prière, à la rencontre avec Dieu, élément central et indispensable afin que l'oeuvre des pasteurs et des fidèles trouve toujours son commencement et sa motivation profonde dans le Seigneur.
De ces brèves considérations, il ressort clairement que la relation entre Marie et l'Église constitue une comparaison fascinante entre deux mères. Cette relation nous révèle clairement la mission maternelle de Marie et engage l'Église à chercher sans cesse sa véritable identité dans la contemplation du visage de la "Theotokos".
le 8 septembre 2016